Le Rocky Mountain Leather Trade Show, centre de la culture “cow-boy” est installé à Sheridan, Wyoming, Usa, depuis 1993. Cet événement est une vitrine pour les artisans du cuir et il offre la possibilité aux artisans du monde entier la possibilité de perfectionner leur savoir-faire grâce à des cours dispensés par les meilleurs au monde. 

Organisé par le Leather Crafters and Saddlers Journal, le salon Rocky Mountain Leather Trade Show est ouvert au public et se déroule au Sheridan College. On y trouve de véritables œuvres d’art. C’est LE salon professionnel le plus important de l’année, qui propose des informations utiles aux artisans du cuir débutants & experts. 

AURORE CACHERA & YVES LESIRE

tous deux artisans selliers western français se sont rendus au salon à Sheridan, nous avons recueillis leurs témoignages.  

Aurore, Yves, pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours en tant qu’artisans du cuir, votre rencontre et de ce qui vous a motivés à participer au Rocky Mountain Leather Trade Show tous les 2 ? 

Y.L : Intéressé depuis l’enfance par le monde western et son équitation, j’ai démarré ma carrière en autodidacte. Après avoir passé mon CAP de sellier harnacheur en candidat libre je suis parti plusieurs mois en formation aux USA chez un vieux sellier du Colorado. C’est à l’issue de ce stage que je me suis rendu pour la 1ère fois au Rocky Mountain Leather Trade Show. Ce fût l’occasion des 1ères rencontres importantes : Don King, Barry King, Jeremiah Watt, les propriétaires du Leather Crafters Journal. De même j’en ai profité pour acquérir mes premiers “vrais” outils. Il y avait très peu, voire pas, de stages à l’époque lors du salon. J’ai créé mon entreprise à mon retour en France. J’ai commencé à animer mes 1ers stages de formation en France au début des années 2000, et ce jusqu’à aujourd’hui où j’enseigne tant en France (dans mon atelier mais aussi dans d’autres structures) qu’aux USA et en Hollande pour les salons organisés par le journal. J’ai même eu l’honneur d’être sollicité pour juger des concours aux USA et j’y ai obtenu quelques prix et l’immense privilège de voir une de mes selles intégrer le King’s Museum.
C’est à l’occasion d’une formation sur la fabrication de selle western que j’ai rencontré Aurore et que m’est apparue la possibilité, voyant en elle la candidate idoine pour prendre ma suite, de travailler avec elle à temps complet.

A.C : Je m’intéresse au travail manuel depuis toute petite et je suis dans le monde du cheval depuis toujours, j’ai toujours aimé traîner dans les selleries et m’occuper du matériel. J’ai toujours eu une grande passion pour les USA, la culture amérindienne et américaine. Mon parcours premier était dans la gestion et la protection de l’environnement, mais suite à un accident de vie, j’ai dû me réorienter, et c’est naturellement que je me suis tournée vers le travail du cuir en 2009. J’ai rencontré un artisan à la retraite, Aldo VOSSE, qui m’a initiée au métier et orientée vers l’école Grégoire Ferrandi au sein de laquelle j’ai passé mon CAP de sellerie maroquinerie en 2011. J’ai ensuite travaillé un peu plus de 4 ans chez Hermès et j’ai ouvert mon atelier en 2015 et m’y suis consacrée à temps complet. J’ai continué à me former auprès d’autres artisans, et en suivant les travaux des maîtres aux USA. J’admire depuis des années les œuvres de Bob Park, Troy West, Cary Schwarz et aussi des autres membres de la TCAA.

Suite au covid j’ai mis de côté la maroquinerie et je me suis réorientée vers la sellerie western, mes premières amours, et je suis tombée sous le charme des selles anciennes, type visalia, meanea, great plains… et j’ai pris à cœur d’équiper les mules en plus des chevaux. Dans mes démarches de formation, et admirant le travail de Yves depuis 15 ans, j’ai pris contact avec lui afin de venir faire ma propre Wade. Nous nous sommes donc rencontrés à l’occasion de ce stage, en 2023. 

A la suite de ce stage, Yves m’a proposé de travailler avec lui, ce que j’ai accepté, et il m’a emmenée avec lui aux USA en mai dernier pour le Rocky Mountain Leather Trade Show de Sheridan.

YVES LESIRE, ARTISAN DU CUIR
AURORE CACHERA, ARTISAN DU CUIR

Nous savons qu’Yves est déjà un grand habitué, mais pour Aurore c’est une découverte totale, autant pour ce salon que pour les USA, tes premières impressions une fois sur place Aurore ?

A.C : Tout n’a été que découvertes, c’était extraordinaire ! Je n’avais jamais pris l’avion, donc 1ère aventure : le voyage en lui même ! Et arrivée sur place j’ai vécu une semaine de folie, entre les paysages, la culture, la très belle ville de Sheridan, l’accueil des américains qui a été chaleureux et bienveillant et les rencontres avec tous les grands selliers que j’admire depuis tant d’années, un rêve !!! J’ai pu rencontrer James Jackson, Keith Seidel, Barry King, Takeshi Yonezawa, Carol Gessell, Nancy Martini (en stage avec Yves), Jim Linnell, Gordon Andrus, Charil et Ralph qui gèrent le journal, Bob Park (avec une pensée très émue pour Aldo qui nous a quitté en début d’année et qui l’adorait), Kay et Tony Laier. Sans oublier les fabricants d’outils et autres fournisseurs lors du salon marchand. Une vraie gosse le jour de Noël ! C’est passé tellement vite, je n’ai qu’une hâte : y retourner l’année prochaine !!!!

Yves, on suppose que l’on arrête jamais d’apprendre, qu’est-ce qu’on recherche en tant que professionnel sur un tel salon ? 

Y.L : Il est en effet indispensable de continuer à chercher à apprendre, c’est le seul moyen de progresser et de rester motivé dans son métier. Dans un tel salon, la recherche est double : premièrement les échanges avec les autres acteurs du métier, qui là-bas partagent volontiers, et ensuite la possibilité de compléter sa “trousse” à outils, puisque qu’on y trouve des fournisseurs pour tout, du fer d’alène à la machine à coudre professionnelle, en passant par tous les types de cuirs, boucleries et outils à main. 

Comment est apprécié le travail “d’un français” sur place ? 

J’ai toujours été reçu là-bas comme un de leurs pairs doublé d’un ambassadeur de leur culture en France. Les contacts et les échanges sont toujours extrêmement cordiaux et chaleureux. Mon travail a été plusieurs fois primé à Sheridan et j’ai réalisé 4 couvertures pour le magazine.

A.C : J’ai pour ma part été touchée par l’accueil des américains globalement, et leurs réactions à l’annonce de notre nationalité. Ils ont l’air à la fois surpris et enchantés que l’on puisse venir de si loin pour partager leur culture.

Quelles sont les œuvres qui vous ont le plus tapé à l’œil ?

A.C : Il y en a eu tellement, c’est impossible de tout citer, mais la selle faite à 6 mains par James Jackson, Keith Seidel et Ernie Marsh et exposée au Brinton Museum m’a particulièrement impressionnée. Mais nous avons aussi visité le King’s museum et là le nombre d’œuvres d’art exposées y est impressionnant ! Sans parler des pièces présentées lors du concours du Leather Debut. 

Il paraît que vous avez eu la surprise de croiser la route d’un grand Horseman sur place, petite anecdote ? 

A.C : Nous avons été à la soirée de la King’s Saddlery le jeudi soir, où chaque année ils organisent un repas en ville où chacun est bienvenu et invité à partager le grand barbecue gratuitement. Nous y avons rejoint Guy de Galard, cavalier reporter français installé à Buffalo et nous étions en train d’échanger sur ses voyages et expériences quand un grand monsieur tout habillé en jean est venu s’asseoir à côté de moi. Quand j’ai vu que c’était Buck Brannaman j’ai perdu tout le peu d’anglais que je maîtrise, trop impressionnée de l’avoir juste là à côté de moi. Yves avait “omis” de me dire qu’il venait chaque année au salon et que l’on risquait de le croiser.

La deuxième surprise de la semaine a été d’être invités par Colleen et Jeremiah Watt à partager un repas et une soirée chez eux, en compagnie des Brannaman. Je n’y ai pas plus retrouvé mon anglais… Mais quels moments forts en émotion !

Et pour Aurore l’occasion également de rencontrer quelques grands noms de votre domaine ? Tu as pu échanger quelques mots, appris quelques astuces ? 

Je n’ai pas vraiment appris d’astuces, mais oui j’ai pu échanger un petit peu, avec ce que mon anglais m’a permis, avec quelques-uns des selliers et fournisseurs rencontrés. Yves a pu faire traducteur aussi à certains moments. Un des beaux moments d’apprentissage et de partage que j’ai eu fut l’initiation à la gravure sur métal avec Jeremiah Watt. Une expérience que j’aimerais renouveler et approfondir avec lui. 

Parlez-nous un peu de vos projets à venir en France

Y.L : D’abord le transfert de mon atelier à Fournaudin (aujourd’hui réalisé) . Et ensuite continuer à temps complet, cette fois, le passage de relais et de savoir-faire à Aurore. J’ai toujours eu peur de ne pas avoir la possibilité de transmettre ce que j’ai appris et je suis à la fois heureux et soulagé de savoir que tout ça me survivra. Le travail en binôme va aussi permettre d’élargir l’éventail de créations, tout en continuant à traîter les commandes et à dispenser des formations à l’atelier et en déplacements (déco cuir, Elwats, Sheridan et peut-être d’autres).

A.C : Il y a en effet l’installation et la mise en commun de nos ateliers dans l’Yonne. Puis pour ma part continuer mes formations selle, repoussage et pédagogie de stage avec Yves et poursuivre les créations pour les mules, reprendre un peu la maroquinerie et élaborer des supports pédagogiques avec Yves pour les stagiaires et les amateurs du travail du cuir. Et parfaire mon anglais ! 

Et enfin, on imagine une autre visite en 2025 à Sheridan ?

Yves : Dans un monde parfait, c’est une visite tous les ans à Sheridan.

Aurore : Évidemment !!!!! De plus, ce seront les 30 ans du salon, nous ne louperions pas cet évènement.