Mon Corps pour une coupe – Audrey LARCADE

Audrey Larcade est enseignante au Ryan’s Farm à Ury (77) tout près de Fontainebleau. Compétitrice de haut niveau depuis toute petite, (Championnat de France, d’Europe et du Monde), elle propose une méthode personnelle pour les enfants à partir de  2 ans permettant de les initier à l’équitation western en toute sécurité, mais également aux adultes, avec une pédagogie adaptée à tout niveau, tout âge & objectif..

A l’occasion de la sortie de son livre, Mon corps pour une coupe, qui est sortie le 15 Octobre, nous avons posé quelques questions à Audrey, sur le sujet sensible qu’elle aborde.

Mon Corps pour une coupe

– P&W : Comment te sens-tu à ce jour après la sortie de ton livre ?
– AL : « Je ne sais pas exactement, ce sont beaucoup de sentiments différents, d’un coté je suis heureuse d’avoir réussi à poser des mots sur cette douleur continue, et de l’autre j’ai peur car je dévoile au monde un livre poignant, je dévoile le cauchemar qu’a été mon enfance au prix d’une carrière remplie de médailles, dans les détails les plus sordides, les plus machiavéliques, les plus intimes… »

P&W : Qu’est-ce qui a changé entre 2013 et 2020, pour que l’affaire soit tombée à l’eau pour ainsi dire, et là tout a changé, les choses se sont précipitées, reportages télé, témoignages divers…
– AL : « Lorsque j’ai porté plainte en 2013, je ne savais pas où j’allais, ni comment faire pour parler, dénoncer, notre force à ce moment là, c’est que nous étions 3. Cela n’a pas le même poids que si on est seul. Nous y sommes allées tant bien que mal, la peur au ventre, il à été auditionné en janvier 2014 puis nous n’avons plus été tenues au courant, jusqu’au classement sans suite. Pendant 7 ans je me suis tue , j’ai essayé d’oublier, on a repris le cours de nos vies, mais la parole de Sarah Abitbol a réveillé ma honte, mon cauchemar qui était enfoui au plus profond de moi , et là , j’ai bien compris que la médiatisation allait faire accélérer les choses, on m’a proposé un article dans le nouvel Obs, chose que j’ai beaucoup hésité à faire car si je commençais par l’un , tout le monde serait au courant et sans doute qu’une fois lancée, la machine médiatique ne pourrait plus s’arrêter. Ce qui a été effectivement le cas : articles de presse, médiatisation, plateau télé, nous avons tout fait ! »

 P&W : Pourquoi en écrire un livre ?
– AL : « Je voulais d’abord écrire ce livre pour lui, pour qu’il lise tout ce qu’il m’avait fait vivre, puis pour aider les victimes, j’ai pris conscience que c’est en libérant la parole qu’on peut aider d’autre victime, puis enfin, pour moi car je me suis dis que c’était un moyen de déposer ma douleur, cette histoire si atroce et que peut-être elle ne m’appartiendrait plus. Puis enfin à tous les gens qui jugent sans savoir car les gens ne sont pas là pendant les viols, j’ai écris aussi à toutes les personnes qui l’idolâtraient afin de montrer quel visage il avait… »

P&W : As-tu été aidée pour l’écriture ?
– AL : « Mon histoire a été écrite par une femme formidable, et qui m’a beaucoup aidé, elle se nomme Marie Leduc Lusteau, c’est une femme extraordinaire, écrivain et psychologue. Elle a su parfaitement retranscrire mon histoire dans les moindres détails ce qui n’est pas chose facile surtout quand cela concerne une histoire de viol sur mineur. »

Audrey Larcade 

P&W : A-t-il été difficile de trouver une maison d’éditions ?
– AL : « Nous étions assez confiantes pour trouver une maison, nous voulions une grosse entité connue, mais la maison de Marie, pour qui elle à déjà écrit un premier roman, à été tout de suite très emballée et touchée par notre livre, elle nous proposé immédiatement un rendez vous, et nous avons signé directement. le livre est sorti en un temps record, en 3 semaines. »

– P&W : Arrive-t-on à encore faire confiance après tout ça ?
– AL : « Effectivement, la confiance est difficile à retrouver, mais j’ai vraiment rencontré un homme unique, calme et patient, qui représentait le symbole de la protection, pour enfin me protéger. Mon époux est policier, et j’ai de la chance d’avoir rencontré un homme compréhensif de mon passé. »

P&W : Le regard des gens a-t-il changé envers toi ? En bien ou en mal. Certains ont du mal à discerner le vrai du faux en fonction de l’idolâtrie envers la personne qu’était A., du fait que l’on peut faire cela pour de l’argent, qu’as-tu à leur répondre ?
– AL : « On ne peut pas porter plainte pour viol pour de l’argent, cette idée est vraiment malsaine, on ne fait pas un procès, dévoiler les choses les plus intimes de sa vie pour de l’argent ! Effectivement il y a des personnes qui pensent cela, ce sont des gens qui ne connaissent pas le phénomène d’emprise, et de viol ! Surtout qu’il a tout avoué, il y a donc aucuns mensonges, mais parfois la vérité est dure à attendre et à admettre, et beaucoup de gens ne veulent pas admettre avoir été manipulé par le grand homme qu’il semblait être ! Moi aujourd’hui j’explique le coté sombre que personne ne voyait, mais je ne suis pas la seule, il a abusé d’adultes aussi, et d’enfants, les proies sont nombreuses et certaines ont trop honte de parler et se cachent, moi aujourd’hui je n’ai plus honte, et je parle pour toutes ces victimes qui ne peuvent pas le faire… »

– P&W : Il doit être difficile de revivre constamment le passé à travers les interviews et reportages.
– AL : « Oui très dur car je mets beaucoup de temps à me remettre dedans à en ressortir, mais c’est essentiel pour briser cette loi du silence infernale… »

P&W : Sur un aspect purement équestre, reconnais-tu malgré tout le savoir-faire de la personne qu’il était ?
– AL : « Je ne sais pas à savoir si j’arrive à être objective, la seule chose qu’il m’ait réellement apprise, c’est de se battre coûte que coûte, même si on a mal, si on est fatigué, il a fait de moi une guerrière, une battante et cela s’est retourné contre lui, il a façonné une tornade qui a TOUT fait pour que justice soit rendue ».

P&W : Possèdes-tu une crainte pour tes enfants, pour ta fille surtout ? Tes fils sont-ils au courant malgré leur jeune âge ?
– AL : « Bien sur, j’ai vraiment peur pour leur avenir, car on ne voit souvent pas venir le pervers narcissique, le coté manipulation, j’ai ce coté protecteur qui est surdéveloppé, et jamais je laisserai mes enfants passer du temps loin de moi, je leur expliquerai tout quand ils auront l’âge de comprendre. »

P&W : Et après ce gros chapitre,  maintenant la suite, considères-tu entamer une seconde vie ?
– AL : « Je suis en train de commencer cette nouvelle vie, après ce livre, il faudra un moment pour que je « digère » tout cela, profiter de ma famille , de mes enfants, prendre du temps pour aimer à nouveau monter à cheval et faire mon métier sans qu’il soit présent dans ma tête. »

P&W : Tes projets équestres et western ? Un retour vers l’extérieur (shows etc.)
– AL : « J’ai déjà des projets qui prennent forme pour l’année prochaine, je voudrais enfin me consacrer sur la compétition, mais pas comme celles que j’ai connues, faire de la compétition sans me dire que j’ai besoin de gagner pour quelqu’un, le faire parce que j’aime ça, et me dire sans pression, sans prise de tête , le faire car j’aime mon cheval et qu’il est doué ! Sans me justifier, sans être poussé par un homme qui me terrifie.»

Audrey Larcade

 Et j’y arriverai, le regard des gens ne me fait pas peur, ceux qui ont besoin de réponses, je serais là pour leur en donner, ceux qui ne comprennent pas et qui me jugent ou me harcèlent sans essayer de comprendre et bien passez votre chemin…
Aujourd’hui je ne veux plus perdre de temps, mais si on me demande de l’aide, des questions, j’y répondrai bien sûr, je n’ai absolument rien à cacher. »

– P&W : Pourquoi avoir choisi Greg Niro pour la couverture de ton livre ?
– AL : « J’ai toujours voulu faire des photos avec ce photographe depuis très longtemps, mais je n’osais pas aller lui parler, et quand mon agresseur était présent, il fallait surtout pas que j’aille m’adresser à un homme, car il me surveillait et j’avais pas le droit à un faux pas , j’ai donc abandonné l’idée malgré ce souhait depuis plus jeune, puis par la suite j’avais l’angoisse qu’il me juge par rapport à ce que les gens du western ont pensé de mon combat alors j’ai encore attendu. 
Puis un soir je me suis dis , Audrey vas-y c’est le moment lance-toi , je l’ai contacté par message , et il m’a répondu très rapidement , je me suis vite rendu compte qu’il était très accessible et d’une grande gentillesse, je lui ai demandé de venir faire un shooting pour mes écuries et s’il voulait bien faire LA photo pour le livre qui résumait mon histoire , je lui ai envoyé l’histoire par mail pour qu’il s’en imprègne et il a su quelle photo faire , un jeu entre l’ombre et la lumière , qui évoque le passé et l’avenir…»

 Vous pouvez commander son livre chez tout libraire digne de ce nom ou l’obtenir chez Amazon.
+ d’infos => https://www.ryansfarml.com 

Vous pourrez également retrouver Audrey lors d’Equitalyon à Eurexpo sur le Village VIP lors de la conférence organisée par la FFE mercredi 27 octobre, une conférence de sensibilisation aux violences sexuelles à 15h45. Elle pourra vous dédicacer également son livre. 

Audrey Larcade