Luc GIORDANO

 Luc, bien connu dans le monde western, possède une longue expérience dans les disciplines de performances, reining, et aujourd’hui le bétail. 

P&W: Comment perçois-tu l’évolution de l’équitation western en France depuis tes débuts dans le métier ? 
L.G: J’enseigne depuis 1997, de la performance vers le travail de ranch et la culture Buckaroo qui conviennent mieux à ma personnalité et à mes aspirations.
Je reste positif au sujet de l’évolution de l’EW en France. Il existe des haut et des bas, des périodes fastes et des stagnations, mais globalement la courbe est croissante. Il y a de plus en plus de professionnels et de pratiquants. Si l’on prend du recul on voit que l’industrie du western ne s’en sort pas si mal. La raison principale est la passion qui anime tant les pros que les amateurs et l’adéquation de l’offre du western à la demande des cavaliers d’aujourd’hui : plaisir, sécurité et technicité.

Pour autant, tout n’est pas rose. Les investissements indispensables pour bien pratiquer et la faible rentabilité des entreprises gardent la filière fragile. La disparition du BP Western est aussi un coup dur. Mais face à ces difficultés, des volontés et des compétences se lèvent, et je ne doute pas que la phase de professionnalisation en cours va permettre un renforcement de nos entreprises et assurer une belle croissance à la pratique du western.

P&W: Tes méthodes se sont façonnées, tu t’es rapproché du bétail, et l’on perçoit une forte tendance des « non-pros » vers la « mode Buckaroo », penses-tu que ce soit un effet de style ou une réelle recherche de l’authenticité ?

Je le répète sans cesse, l’EW répond aux attentes des cavaliers, une équitation sûre, plaisante et technique. Aujourd’hui, les cavaliers ne veulent plus tomber de cheval, et c’est légitime, un loisir ne doit pas être dangereux. Par contre, la majorité d’entre eux cherche un loisir intéressant, avec des challenges et une progression technique dans laquelle ils puissent s’accomplir.
La dimension du contact avec le cheval est aussi très importante, et de nos jours le bien-être de l’animal occupe les esprits. C’est là que la culture Buckaroo est résolument moderne, car cette niche dans la vaste culture western a donné naissance à « l’équitation éthologique » (j’utilise ce terme impropre faute de mieux). Le public peut donc y voir l’équilibre parfait entre respect du cheval et équitation.

Les nombreux articles parus sur les chuchoteurs, les nouveaux maîtres, etc. le film de Redford ont évidemment favorisé l’émergence de ce style de travail avec les chevaux et mis en lumière l’iconographie correspondante. La beauté du materiel, brides, selles, équipement du cavalier, n’est pas pour rien dans cet engouement. Passée la recherche esthétique, les cavaliers découvrent la richesse de ce horsemanship et y adhèrent souvent.
Moi-même, j’y suis venu par la fascination pour un bel objet : le bosal.

P&W: Alors question sensible sur notre territoire, mais 2 montagnes comme Buck Brannaman ou Shawn Flarida appartenant à 2 mondes différents peuvent-ils s’entraider (méthodes, techniques, approches) ?

La marque des grands, c’est d’être curieux et ouvert d’esprit. Je ne doute pas que ces 2 hommes de cheval auraient grand plaisir à partager connaissances et expériences et sauraient en tirer profit pour développer leur horsemanship.

Malgré la profonde différence de culture entre la pratique sportive et la tradition, les deux cherchent à développer un cheval «qui fait le job». 

De plus, les américains étant de nature pragmatique, ils sont à l’affût de ce qui les aide à être plus efficaces. Il se trouve que j’ai posé à Buck la question de la différence entre un cheval de Working Cow Horse et un cheval Buckaroo. Sa réponse fut que le Cow Horse sera plus performant dans les manoeuvres et le cheval de ranch sera plus polyvalent. Une réponse de bon sens, tenant compte de l’utilisation de chaque cheval.
Lors de mes séjours au Sunny Pine Farm, François Gauthier et Nick Valentine se montrèrent très curieux des méthodes de travail de Buck et de Martin Black car ils y voyaient une opportunité de donner un meilleur départ aux chevaux de 2 ans. Décontraction et disponibilité grâce au débourrage à plusieurs dans le round pen, autonomie et calme apportés par le travail en extérieur autour des installations par exemple.

Bien que la spécialisation indispensable à la réussite dans le haut niveau sportif nécessite de s’y consacrer pleinement, l’ouverture d’esprit et la curiosité sont des atouts pour la progression. En France aussi, de très bons entraîneurs sont dans cette démarche. Fabien Boiron intègre maintenant le travail en extérieur pour ses chevaux destinés aux cavaliers non-pro, et Christophe Kayser sort ses prospects de reining en terrain varié et les initie au lasso.

Enfin, l’AQHA ne s’y est pas trompée, puisqu’elle offre notamment le Ranch Trail et le Ranch Riding pour compléter la palette d’activité des chevaux de Performance et de Reining.

Un mot sur ton programme et tes projets ?

Je donne en moyenne 25 stages de 2 à 4 jours par an. C’est une forme d’enseignement que j’adore car elle est riche en rencontres et très efficace pédagogiquement.

Buckaroo Experiences

J’aborde toutes les facettes du travail de ranch et de bétail aujourd’hui très à la mode : ranch trail, ranch riding, tri, convoyage et lasso, travail en extérieur. Tout ce qui forme un cheval de travail, mais aussi de loisir.
J’ai vu la demande se transformer au fil des années. La qualité des chevaux a nettement augmenté. Il n’y a plus de «stage de survie» où l’objectif principal était de gérer la sécurité des élèves tout en faisant face à des chevaux « à problèmes ». La filière western a fait un beau travail. Les éleveurs, entraîneurs et enseignants ont tous participé à l’élévation du niveau de la cavalerie.

Mais ce sont les cavaliers, souvent propriétaires, qui pour moi sont vraiment admirables. A force de curiosité, d’investissement personnel et financier, ils ont sû progresser et faire progresser leurs montures. Ils ont acquis de meilleurs chevaux, les ont fait éduquer et/ou entraîner. Je vois aujourd’hui beaucoup de cavaliers compétents, très autonomes avec leurs chevaux, venant aux stages avec une vraie réflexion et des problématiques pertinentes.

Ils sont aussi ouverts d’esprit, ne restent pas dans leur chapelle, cherchent des solutions, au risque de s’éparpiller parfois, c’est vrai.

C’est passionnant de travailler avec ces gens là car ils sont exigeants et poussent à l’excellence. Je me considère chanceux de les accompagner dans leur progression.

Afin de toujours progresser et me challenger, j’ai convenu avec Marc Bainaud (Newestern)de produire une série d’articles présentant la progression que je propose aux chevaux et cavaliers, complétés par des petites vidéos visionables sur le web.

J’ai aussi la chance d’avoir pu développer des journées de formations pour les enseignants western dans plusieurs régions de France. On y aborde le thème du travail du cheval de ranch, mais aussi la pédagogie et la découverte des nouvelles disciplines comme le ranch riding.

Enfin, je veux retourner sur les terrains de concours dans le but de tester mon programme de formation des chevaux et voir où j’en suis dans cette activité, la compétition, que j’aime mais qui aura été difficile à concilier avec ma carrière ces dernières années.

Retrouvez Luc sur sa page facebook n’hésitez pas à aller à sa rencontre lors de ses stages